On peut rêver que Julien Gracq se trouve à présent dans l’un de ces ailleurs féériques qu’il s’est plu à décrire tout au long de ses premiers livres, 'Le Rivage des Syrtes' et 'Au Château d’Argol' notamment. Il ne nous en voudrait pas, ayant trop d’estime pour la rêverie, et la liberté qu’elle procure. Louis Poirier est mort avec lui. Il était le « vrai » Julien Gracq, celui de l’État Civil. Dans 'Une vie, une œuvre' cette semaine, nous tentons l’hypothèse que Gracq a sauvé Poirier de l’enfemement que constitue toute vie. Grâce aux livres, ils ont pu passer quatre-vingt-dix-sept années dans ce monde qu’ils n’approuvaient guère. En rêvant aux frontières lointaines, à des ailleurs sublimes et inquiétants, Gracq a transcendé la vie quotidienne du professeur Louis Poirier, forcément un peu monotone, en une expérience intérieure flamboyante.